Horloge Astronomique de Strasbourg

La dernière horloge astronomique de la cathédrale de Strasbourg, qui est la troisième, est inventée et construite par Jean-Baptiste Schwilgué de 1838 à 1842.
L’horloge a fonctionné pour la première fois le 2 octobre 1842 à l’occasion du 10ᵉ Congrès Scientifique de France, tenu à Strasbourg.
Elle fut inaugurée en grande pompe le 31 décembre 1842 et Jean-Baptiste Schwilgué reçut tous les honneurs de la ville et de ses habitants.
Réunissant des solutions mathématiques et mécaniques ingénieuses comme un globe céleste avec précession des équinoxes, des équations solaires et lunaires et un comput ecclésiastique. Elle est perçue comme l’une des horloges monumentales les plus abouties et les plus complexes.
Lors de la seconde guerre mondiale, les mécanismes furent démontés pour la protéger des bombardements et remontés en 1945 par l’entreprise Ungerer et l’œuvre Notre Dame.
L’horloge n’avait jamais eu de restauration d’ensemble. C’est pourquoi, en 2018, le centre régional de restauration et de conservation des œuvres d’art de Vesoul ainsi que Julie Sutter, spécialisée dans la restauration des couches picturales, réalisent cette opération.

L’horloge astronomique de Strasbourg peut être visité dans la cathédrale de Strasbourg.

Le mécanisme du calcul de Pâques

Dessin extrait du livre page 41 de L’horloge astronomique de Théodore Ungerer 1949
et redessiné en vectoriel par Philippe Jobert– Edition F.-X. Le Roux & Cie
Dessin extrait du livre page 43 de L’horloge astronomique de Théodore Ungerer 1949
et redessiné en vectoriel par Philippe Jobert– Edition F.-X. Le Roux & Cie

Histoire du comput comme genèse de l’horloge astronomique

C’est le 14 décembre 1815 que Jean-Baptiste Schwilgué écrit à l’aîné de ses fils :
« Les dimanches précédents je me suis occupé du Quantième perpétuel de M. Kunckel, qui est maintenant fini ; il fonctionne avec tant de précision que j’en suis on ne peut plus satisfait. Dimanche dernier, il y aura quinze jours, je lui montrai comment cela s’organisait. M. Kleitz se trouvait chez lui : tous deux en ont été étonnés. Je leur ai dit que depuis longtemps je cherchais à inventer un autre objet, mais que je croyais impossible de trouver, à cause des trop grandes complications de calculs que cet objet nécessiterait. M. Kunckel m’a répondu quel que difficile que cela puisse être, il ne doutait pas que si je m’en occupais sérieusement, je parviendrais à le découvrir (c’est d’indiquer mécaniquement les fêtes mobiles). Dès ce jour je m’y suis livré, et le mercredi jour de saint Nicolas, à dix heures du matin, je l’ai heureusement trouvé.
Aussi pendant les trois nuits précédentes je n’avais pu fermer l’œil, tant cela m’avait occupé l’esprit ; il m’a fallu pour réussir, combiner mes calculs et mon mécanisme d’une manière si extraordinaire, que je m’étonne encore d’y être parvenu. J’en ai fait part plus tard au maire de Schlestadt, en lui disant que je venais d’inventer un mécanisme à calendrier perpétuel où les fêtes mobiles étaient représentées; qu’elles se transportaient d’elles-mêmes sur les jours et les mois qui leur correspondaient pour chaque année, ainsi que le comput ecclésiastique qui y répondait, en ajoutant que ce dernier ouvrage était de la plus grande simplicité; je lui ai dit également que je m’étais beaucoup occupé du perfectionnement des horloges publiques et que j’étais parvenu à rendre le mouvement des aiguilles indépendant du rouage de la mesure du temps, pour celles dont les cadrans sont éloignés du corps de l’horloge, et cela sans rouages intermédiaires ou auxiliaires, ce que je considère comme l’accomplissement de la perfection de ce genre de pièces. Comme le maire se trouve en ce moment à Strasbourg, je pense qu’il est assez lié avec son collègue de cette ville pour lui faire part de ma nouvelle découverte.
Peut-être aussi cela pourra-t-il me servir à quelque chose, lorsqu’on aura les moyens de réparer l’horloge astronomique de la cathédrale. »
[i]

Le 30 octobre 1821 à 9 h Jean-Baptiste Schwilgué est reçu par le roi Louis XVIII pour présenter le comput ecclésiastique qu’il a réalisé. Le roi a 66 ans et Jean-Baptiste Schwilgué 55 ans. L’audience dure plus d’une demi-heure et Jean-Baptiste Schwilgué peut expliquer les complexités du mécanisme qu’il a créé.

L’atelier de Sélestat est transféré en janvier 1827 à Strasbourg.

Dans l’année 1827, le premier devis concernant la réparation ou la reconstruction de l’horloge astronomique de Strasbourg est demandé à Schwilgué. Il comporte trois options différentes.

« Le premier mode consistait à remettre l’horloge dans son état primitif, c’est-à-dire telle qu’elle avait été construite dès son origine. Le second, de la perfectionner et de la compléter. Le troisième, de la reconstruire entièrement sur un nouveau plan et de façon à ce qu’elle put réunir tout ce que l’art mécanique et les connaissances astronomiques peuvent offrir de plus exact et de plus complet. »

« Le 24 mars 1827 les deux établissements, celui des balances bascules de M. Rollé et celui de la grande horlogerie de Jean-Baptiste Schwilgué, devaient être réunis en un seul. Cette société, dont l’acte fut passé par-devant notaire le 24 mars 1827, devait avoir une durée de dix ans à partir du 1er avril de la même année jusqu’au 31 mars 1837. Le nom de la raison sociale était Frédéric Rollé et Schwilgué et le siège de la société était établi dans la maison de M. Rollé, rue Brûlée qui plus tard devint celle de mon père. »

Dix ans plus tard, comme prévu lors de la constitution des Établissements Frédéric Rollé et Schwilgué, Jean-Baptiste Schwilgué fonde son entreprise.

« Le 24 septembre 1833 le conseil municipal s’occupa pour la première fois et sérieusement de la résurrection de l’horloge astronomique. Il arrêta, en principe, de la faire restaurer ; mais en même temps il crut devoir ajourner encore l’exécution de l’entreprise. »

« Dans sa séance du conseil municipal du 4 août 1836, il discuta la question dans tous ses détails et nomma une commission dont le rapport fut présenté par M. Ohlmann, le 7 septembre suivant. En conséquence de ce rapport, on vota un premier crédit de 10 000 francs qui fut porté au budget de l’Œuvre-Notre-Dame et l’exécution de ces travaux de restauration fut enfin confiée à mon père. »

Extrait de la lettre que lui écrivit son fils en date du 2 mai 1858 :
« Je vais remettre à M. Tarbé les renseignements que vous m’avez envoyés dernièrement ; s’il m’en demande de nouveaux je vous en ferai part. »

« Je viens de relire la décision ministérielle relative à l’horloge de Strasbourg ; voici ce que j’y trouve :

1° L’on déterminera, dans le cahier des charges, la durée de la garantie à exiger ainsi que la quotité du cautionnement

2° On assujettira le soumissionnaire à une retenue égale au cinquième du montant des dépenses, laquelle ne sera remboursée qu’a fin d’entreprise, après l’acceptation des travaux et l’approbation du compte général, qui devra être transmis à cet effet au ministre des cultes.

Je crois que le cahier des charges n’est pas d’accord avec l’instruction on y a confondu le cautionnement avec la retenue de garantie, et on y a inséré une clause pour les retards que les travaux pourraient éprouver.

Cette clause ne me semble pas acceptable M, de L.… m’a dit qu’on la supprimerait, si vous y teniez. Dans tous les cas, il ne faudrait pas compter les campagnes comme on l’a fait ; celle-ci, par exemple, se réduirait à trois ou quatre mois pour vous, si vous commenciez maintenant vos travaux. Mon avis est qu’il vaudrait mieux dire que ces travaux seront exécutés dans un délai de trois ans, à compter du jour de l’approbation de la soumission.

Suivent, les recommandations du fils au père :
1° Vous vous engageriez à exécuter les travaux dans un délai de trois ans, à compter du jour de l’approbation de la soumission.
2° Vous feriez remarquer que, à l’égard des garanties, on vous place dans une position singulière et tout à fait à votre désavantage ; car, si on compare votre œuvre à une œuvre d’art, on n’a pas de garanties à vous demander : votre réputation doit assez répondre pour vous ; de même qu’on ne demande aucune garantie, aucun cautionnement, au peintre auquel on commande un tableau ; mais, si on compare votre ouvrage à ceux qu’on exécute journellement dans les ponts et chaussées, alors on se contentera d’exiger un cautionnement égal au trentième du montant total des dépenses et une retenue de garantie égale au dixième des dépenses. De cette manière, vous ne débourseriez dans le commencement que 1000 ou 1800 Fr.
Il est vrai ; mais cette somme serait progressivement augmentée et de telle sorte, qu’à la fin des travaux elle pourrait s’élever à 4000 Fr, tandis qu’on vous en demande plus de 6000 Fr.
Vous insisterez donc pour être traité, au moins, comme le sont les plus simples entrepreneurs des ponts et chaussées.
3° Au lieu de consentir à une garantie de dix ans, je ne consentirais qu’à une garantie de deux ans, c’est l’usage pour tout ce qui est objet d’art. »


Les travaux pour l’horloge débutent en juin 1838.
L’horloge fonctionne pour la première fois le 2 octobre 1842 à l’occasion de la dixième session du Congrès Scientifique de France ; pour la réaliser, mon père suffit à lui seul, aidé toutefois de M. Albert Ungerer, son premier contre-maître.


[i] Extrait du livre de Charles Schwilgué « Notice sur la vie, les travaux et les ouvrages de mon père J. B. Schwilgué, page 32, édité en 1858 à l’imprimerie d’Ad. Christophe.